C’est l’histoire d’un petit garçon qu’on appelait Vincent. Son existence était plutôt tranquille, remplie de rêves et de projets, comme celle de n’importe quel petit garçon. Mais un jour, un malheur frappa à sa porte. Malgré les personnes qui l’entouraient, Vincent se sentait seul, il ne savait plus à qui s’adresser ni qui croire. Tout ce qu’il savait, c’était que la vie l’avait déçu et trompé. Vincent a donc depuis ce jour renoncé à ses rêves et à l’espoir. Rejetant ainsi cette vie qui lui semblait l’exclure, Vincent s’est créé son propre univers pour se protéger du monde. Dans son univers, le jour a depuis longtemps laissé la place à une nuit glaciale qui s’est installée si confortablement qu’elle l’a peu à peu enveloppé. Vincent s’y enfonce de plus en plus, se cachant du monde et de ses habitants. Il devient donc de moins en moins accessible, et les personnes qui lui sont proches n’arrivent plus à le comprendre, malgré leurs efforts. Un mur se construit peu à peu entre eux et Vincent, qui se retrouve dans la solitude. Désormais, le garçon vit dans la nuit, comme une étoile perdue dans le ciel infini. Il s’y sent comme dans un cocon, dans lequel il se réfugie et s’enferme pour mieux l’apprécier. Cependant, le temps passe, et approfondit la nuit qui fait souffrir chaque fois un peu plus Vincent… Il envoie donc des appels par-dessus le mur, tente de montrer son mal-être. Ses messages sont pour la plupart reçus, mais souvent mal interprétés car avec le mur, il est impossible de voir ce qui se passe de l’autre côté, ni même de savoir à quoi cela ressemble. L’incompréhension persiste donc et amplifie le rôle du mur. Les proches de Vincent, de leur côté, sont parfaitement conscients de la situation, et tentent tout ce qui leur est possible pour lui venir en aide. Ils envoient eux aussi des messages, en guise de réponse, ou tout simplement pour briser la solitude et faire rentrer un mini-bout de leur lumière dans la nuit d’hiver de Vincent. Mais la plupart ne dépassent pas le mur, et ceux qui pénètrent l’univers du garçon semblent inutiles. Un sentiment d’impuissance naît alors, et accable ceux qui jusque-là refusaient de baisser les bras.
C’est alors qu’une petite fée, voyant le déchirement probable qui allait se produire, décide d’apporter sa touche à cette histoire. Ses pouvoirs étant insuffisants pour détruire le mur, elle rend visite à Vincent pour se rendre compte de son état. Hélas ! L’isolation derrière le mur a atrophié les sens du garçon… La nuit l’a rendu aveugle aux beautés du monde, non pas son univers, mais bien le monde réel, qui lui apparaît si effrayant. Il a donc perdu le goût des belles choses, celles qui émerveillent et donnent envie de vivre, ne serait-ce que pour les revivre encore. Il est également sourd aux appels de ceux qu’il a laissés de l’autre côté du mur. La petite fée lui prête donc ses yeux, afin qu’il comprenne ce que tous ont essayé désespérément de lui montrer. Vincent voit alors comme s’il ouvrait les yeux pour la première fois, et prend conscience de la nuit qui l’entoure. Rien n’a changé pourtant, mais c’est comme si le monde extérieur, celui baigné de lumière, ne lui était plus hostile. Vincent n’a plus peur, il veut détruire le mur et rejoindre les autres, mais reste prudent. Il défait le mur brique par brique, et se retrouve ébloui par un rayon de soleil. Cette sensation lui est presque insupportable au début, mais peu à peu ses sens lui reviennent, et ses yeux s’habituent à la lumière. Il redécouvre alors tout l’intérêt qu’il avait autrefois trouvé à ce monde. Il se souvient maintenant ce qui le retenait, ce qui le poussait à toujours se réveiller, le matin venu, ce qui était là, tout au fond de son cœur, dont il ne soupçonnait plus l’existence. Et il ne peut s’empêcher de regarder avec ses yeux neufs ce monde qui semble s’éclairer juste pour lui, ce monde qu’il accepte désormais…
Enfin heureux, il profite de ce nouveau sentiment qu’il commence par craindre, puis finit par apprécier. Il veut connaître le nom de son sauveur, ou plutôt de sa sauveuse, sans qui il n’aurait plus jamais apprécié sa vie. La petite fée s’approche alors de lui et lui chuchote à l’oreille : « Je ne suis qu’une part de toi. Celle qui a fini par accepter le monde que tu t’efforçais de rejeter. J’ai accepté le monde, mais aussi le malheur. Et je t’ai permis d’accepter de vivre avec ce malheur, car tu n’avais que deux solutions : vivre avec, ou renoncer à la vie. Je n’ai rien rendu plus facile, je t’ai juste aidé à ouvrir les yeux, et tu as fait le reste. Il ne te manquait que la volonté. » Vincent, abasourdi par ce qu’il entend, tente de comprendre : «Tu veux dire que si je suis là aujourd’hui, je ne le dois qu’à moi-même ? Mais qui es-tu donc, petite fée, toi qui te dis être une partie de moi ? Je ne te connaissais pas, n’as-tu donc aucun nom ? » Vincent la fixe maintenant avec insistance, comme s’il voulait la rendre transparente par son regard et ainsi percer son mystère. La petite fée plonge ses yeux dans les siens et murmure : « On me nomme le deuil. »
.oO°Mamzailes°Oo.